Le Printemps des Poètes est terminé, nous sommes au milieu du printemps chinois et au début de notre printemps occidental…
A propos du Printemps des Poètes 2024 sur le beau thème de la Grâce, et de la manifestation des 16 et 17 mars au prieuré de Grez-sur-Loing, j'ai envie de partager avec vous le texte que j'ai écrit et lu pour cette occasion :
La Grâce des Haïkus, la Grâce de Grez-sur-Loing…
La Grâce nous surprend, la Grâce nous choisit, la Grâce nous guide sans dévoiler la fin du voyage…
Une double grâce, un double coup de foudre m’a frappée pour Grez et le haïku.
La Grâce, c’est ce que nous éprouvons lorsque l’inspiration est au rendez-vous.
La Grâce du moine Bashô :
Lassé de la poésie de cour, le moine Bashô invente le haïku. Suivi de ses disciples, il parcourt les chemins. Ils regardent les pierres, ils regardent les fleurs, les arbres, le ciel. Ils regardent les saisons, ils regardent l’Univers…
Bashô – quatre haïkus de saison :
Printemps
De quel arbre en fleur ?
Je ne sais pas.
Mais quel parfum !
Été
Rien dans le cri
des cigales ne suggère
qu’elles vont mourir
Automne
Ce chemin,
seule la pénombre d’automne
l’emprunte encore.
Hiver
Viens
Allons voir la neige
Jusqu’à nous ensevelir !
La Grâce du peintre Asai Chu, la Grâce du poète Shiki
Le temps s’écoule, les haïkus s’écrivent et l’ère Meiji ouvre le Japon.
Asai Chu, peintre et un peu poète, séjourne en France ; il va et vient entre Paris et Grez ; il correspond avec son ami Shiki, resté au Japon. Shiki, haïkiste qui ne dédaigne pas, parfois, de prendre le pinceau, Shiki, le « mangeur de kakis », est malade, il va mourir.
Les kakis que j’aime
je ne peux plus les manger
Ah ! La maladie
Nuit brève
Combien de jours
Encore à vivre.
Solitude
Après le feu d’artifice
Une étoile filante.
Le long de la rivière
Je n’ai vu aucun pont -
Ce jour est sans fin.
Je me remets, oui -
Mais mes yeux sont fatigués
De ne voir que des roses !
En critiquant durement Bashô, Shiki « tue le père » et devient lui-même le père du haïku moderne. Après lui, les trois lignes vont s’écrire beaucoup plus librement, et on va voir apparaître des haïkus de guerre, d’humour, d’érotisme, de politique, de philosophie.
Le « Vieux Pont, accroché aux cimaises du monde entier » relie les rives du Loing et bien au-delà…
Suivant les traces d’ Asai Chu, Monsieur Arayashiki, conservateur en chef du Musée des Beaux-Arts de Pola, dans l’archipel, est un jour arrivé à Grez, puis dans ce prieuré où nous l’avons rencontré. D’après lui, Asai Chu rejoignait à Paris un cercle d’artistes japonais qui se réunissaient parfois pour des kukaïs, c’est-à-dire des rencontres de haïkus, et Asai Chu en aurait organisé à Grez… Nous en avons rêvé, mais, malheureusement, du moins jusqu’à aujourd’hui, nous n’en avons trouvé aucune trace.
Depuis le village
les anciens parapets mènent
au soleil levant…
ai-je écrit un jour – à la demande de Christophe – et touchée par la Grâce des haïkus et de Grez-sur-Loing...
Ce que j'ai dit pendant le "Printemps" demande un complément :
Comment le haïku est-il sorti du Japon ?
Au début du XXème siècle, Paul-Louis Couchoud, jeune normalien, obtient une bourse pour séjourner un an et demi au pays du Soleil-Levant dont il ne connait pas la langue, il tombe néanmoins amoureux du haïku et rentré à Paris, organise des kukaïs, puis, "Un bateau, chargé de sucre, va partir, nullement agencé, croyez-le bien, pour transporter même des passagers de la plus humble classe, même des vagabonds. Qu’importe ? On s’arrange avec le patron. Une sorte de niche est aménagée entre les caisses de sucre, pourvue d’une bâche, de quelques couvertures et bottes de paille. Et c’est la lente glissée sur la Seine, le canal du Loing, […] le canal de Briare qui recèle les écluses abandonnées de Rogny […]. Et voilà comment, de la plus béate façon, fut exécuté le premier transport sur les canaux de trois gars français qui s’étaient fait des âmes de poètes japonais. (Julien Vocance, « Sur le Haïkaï français », cité par Eric Dussert dans la préface de "Au fil de l'eau : Les premiers haïku français (1905-1922) "
Avec Paul-Louis Couchoud, le haïku s'est répandu en France et dans les pays d’Europe, puis aux États-Unis et au Canada, on peut dire maintenant qu'il gagne le monde. Mais revenons à notre clocher, puisque le Prieuré s'adosse à l'église. Dans leur périple, les trois haïkistes sont passés non loin d'ici, ayant emprunté la Seine et le canal du Loing, émaillant leur parcours de petits poèmes en trois lignes :
à Melun :
La nuit est-elle finie ?
Je soulève la bâche.
Éblouissement.
à Saint-Mammès :
Dans le soir brûlant
Nous cherchons une auberge.
Ô ces capucines !
Un leporello de Printemps !
A Noël je vous avais offert le leporello "Cinq haïgas". Pour célébrer le réveil de la nature, je vous offre maintenant, si vous le désirez le leporello "Cinq haïshas de Printemps".
Faut-il vous rafraîchir la mémoire ? Un haïga est un tableau associé à un haïku, un haïsha, comme ci-dessus se fait avec une photo ; un leporello est un petit album en accordéon que vous pourrez simplement regarder ou, si vous êtes un tant soit peu bricoleur, imprimer et assembler. Pour le recevoir, il suffit de me le demander par le questionnaire de contact ci-dessous.
En vous souhaitant une belle progression vers le solstice !
Et n'oubliez pas :
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